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Point macroéconomique

Au Royaume-Uni, on a du pétrole mais pas assez de routiers

Par 4 octobre 2021octobre 12th, 2021No Comments

On se croirait dans un épisode des Shadocks, la célèbre série d’animation des années 70. « Et ils pompaient, pompaient, pompaient du pétrole sans le distribuer ». Ce n’est qu’une caricature de la pénurie d’essence outre-Manche, dans un pays producteur d’hydrocarbures. Ne nous moquons pas, car selon Transport Intelligence, il manquerait 400 000 conducteurs de camions en Europe. Cette situation n’est autre que le reflet d’un déséquilibre de marché quand une offre se réduit drastiquement et une demande explose soudainement, dans un mouvement de panique. La cause ne date pas d’aujourd’hui. Selon l’association professionnelle des transports Road Haulage Association, il manquerait actuellement 100 000 routiers en Angleterre.

 

Cette profession mal valorisée était vieillissante et constituée en partie d’étrangers, dont la quasi-totalité a quitté le pays, à cause du Brexit et de la Covid-19. Les difficultés d’approvisionnement concernent tous les secteurs. Certaines stations-service se sont trouvées en rupture d’essence et la nouvelle s’est répandue comme la poudre, provoquant une ruée des automobilistes le week-end dernier. Les deux tiers des 8 300 points de vente du pays étaient à sec dimanche, selon the Petrol Retailers Association. L’affaire devient politique, et comme toujours le gouvernement réagit trop tard pour résoudre le problème à court terme. Les annonces d’une formation accélérée de 3 000 chauffeurs, l’octroi de 5 000 visas temporaires aux étrangers et la mise en réserve de 150 camions citernes par l’armée vont dans le bon sens. Toutefois, seule l’accalmie de cette fièvre acheteuse peut résoudre cette crise, qui risque, selon les professionnels du secteur, donc de perdurer encore quelques semaines.

Prenons du recul, la chaîne d’approvisionnement s’est grippée, aussi bien mondialement que localement. Nous devons donc faire face à une raréfaction, même provisoire, des ressources, entraînant une forte augmentation de leur coût. Ainsi, le prix des matières premières flambe : le cours du Brent flirte avec le seuil des 80 dollars, et celui des autres sources d’énergie forcent les politiques à réagir. Ainsi, la hausse prévue de 12% du prix du gaz en France vient d’être bloquée par l’exécutif, afin de calmer les chaumières cet hiver. La Chine, l’atelier du monde, continue de moins produire en septembre, comme en témoigne la baisse du PMI manufacturier à 49,6. Cette diminution de l’offre d’un de nos principaux fournisseurs perdure.

Le marché est en train d’intégrer cette nouvelle donne : des banques centrales qui réduisent progressivement leur soutien à l’économie et des entreprises qui subissent cette problématique des intrants, synonyme de baisse des marges. On assiste logiquement à un renchérissement des taux obligataires, qui touchent en séance un plus haut depuis la mi-juin (1,56% et 0,17% pour le 10 ans américain et français). Ce mouvement a fait baisser les valeurs de croissance et entraîne les indices à la baisse. Les investisseurs préfèrent rééquilibrer leurs portefeuilles, réduire le risque avant la publication des résultats du troisième trimestre pour connaître l’impact réel sur chaque entreprise. Nous sommes rentrés dans une phase transitoire, plus volatile, qui risque de durer quelques semaines. Au-delà des secousses à court terme, gardons en tête que les taux réels restent nettement négatifs, les liquidités demeurent abondantes, les conditions financières excellentes, et que le besoin d’investissement face à cet excès de demande reste largement insatisfait. Ce sont des gisements importants d’une future croissance économique et de progression des résultats. Ainsi, dans cette vague de consolidation, il convient d’être sélectif et d’en saisir les opportunités.