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Point macroéconomique

Avec UMG, le petit prince du cash-flow est devenu roi!

Par 4 octobre 2021No Comments

 

La somme des parties est une méthode comptable qui consiste à évaluer séparément chacune des activités exercées par une société. C’est un des principes de base de l’analyse financière pour évaluer correctement un titre et détecter potentiellement des anomalies de marché. Vincent Bolloré vient de donner une leçon qui restera dans l’histoire des cours de finance. En distribuant un dividende en titres Universal Music Group pour toute action de Vivendi détenue, l’homme d’affaires vient de réaliser un tour de passepasse qui ravit tous les actionnaires de la holding, dont lui-même, détenteur directement de 29% du capital !

L’évènement a eu lieu ce mardi 21 septembre, avec la cotation du leader mondial de la musique enregistrée. À l’issue de cette première journée, la capitalisation de cette ancienne filiale, dépasse désormais 45 milliards d’euros. La beauté de la Bourse est que la veille, le groupe Vivendi (avec 70% d’UMG) ne valait « que » 35 milliards d’euros. Si on rajoute la valorisation ce même jour du nouveau groupe Vivendi à taille réduite (avec 10% d’UMG), soit 12 milliards d’euros, on vient d’assister à une belle création de richesse. Dans les livres scolaires du parfait financier, on appelle cela extraire de la valeur cachée. Cela se produit quand la fameuse somme des parties est bien supérieure à celle reflétée dans le cours de bourse. Cette sous-valorisation est désormais effacée après ce « spin-off » ou cession.

Toutefois, le succès de cette opération n’est pas lié au hasard, mais au fruit d’une gestion cohérente de cette société sur le long terme. Ce ne fut pas le cas de l’ancien président qui concrétisa en 2000 le rachat d’Universal à Seagram par échange d’actions pour 34 milliards de dollars, en plus des 6,6 milliards de dette. On était, en pleine bulle dite de la TMT (Technologiques, Médias et Télécommunications), où les actifs étaient largement surévalués. Le malheur est que le marché de la musique s’est totalement effondré par la suite, avec une chute des ventes des CD, victimes d’une montée en puissance du téléchargement illégal. En arrivant en 2014 à la tête du conseil de surveillance du groupe, Vincent Bolloré avait une vision très claire de l’orientation de cette société déchue, avec de nombreuses cessions et des acquisitions qui suivront. Entre temps, le marché de la musique s’est totalement transformé, se digitalisant dans un modèle économique de plus en plus rentable. Le streaming est devenu un juteux vecteur de croissance en complément des autres sources de revenus. Ainsi, YouTube a payé 4 milliards de dollars de royalties l’année passée. De plus, UMG a su attirer les plus grands talents de la planète et gère désormais les droits des 10 artistes les plus rémunérés au monde. La société a accéléré ses investissements dans la création artistique ces trois dernières années et dispose actuellement du catalogue le plus riche des trois majors, avec 32% de parts de marché, une marge d’EBITDA de 25% et un objectif de plus d’un milliard d’utilisateurs de streaming à l’horizon de 2026. Des performances qui attirent les investisseurs.

C’est d’autant plus remarquable qu’il intervient au lendemain d’un affolement généralisé sur l’avenir du promoteur chinois Evergrande, en phase possible de défaut sur des échéances d’intérêts bancaires et obligataires. L’épilogue semble se rapprocher pour ce groupe dans sa configuration actuelle. La véritable inconnue est la forme de la restructuration à venir. Il semble que le marché opte pour une opération ordonnée sur le capital et la dette, mais douloureuse pour les actionnaires et les créanciers actuels. Malgré toutes ces incertitudes, avec de surcroît une FED qui indique clairement que sa politique monétaire sera de moins en moins accommodante, le marché fait sans doute preuve d’un excès d’optimisme.