C’est un niveau que l’on n’avait pas connu depuis la période de 2000 à 2002 : le cours de l’euro est désormais identique à celui du dollar. Depuis plus de 20 ans, notre monnaie a oscillé entre un point bas de 0,82 en octobre 2000 à un point haut de 1,60 en avril 2008, soit quasiment du simple au double ! Cette volatilité entre les deux principales devises de la planète est toujours source de distorsion pour l’économie mondiale, le prix des actifs financiers et des matières premières. Nous allons en discuter les causes et les conséquences en tant qu’investisseur.
Est-ce le dollar qui monte ou l’euro qui baisse ?
Depuis le début de l’année, le dollar a progressé de 13,5 % contre un panier de devises (indice DXY), tandis que l’euro a baissé de plus de 3 % contre un autre panier de devises (indice EXY). Quelles sont les causes de cette forte progression du billet vert ? Elles sont multiples et variées, aussi bien pour des raisons fondamentales que pour des raisons spéculatives ou de flux financiers. Tout d’abord, il ne faut pas se voiler la face. L’excédent commercial enregistré traditionnellement par la zone euro a fondu comme neige au soleil, passant d’un surplus mensuel de plus de 15 milliards d’euros jusqu’à mi 2021 à un déficit de quasiment 32 milliards d’euros en avril dernier. La France se voit imposer, de loin, le bonnet d’âne, avec un trou de presque 15 milliards d’euros. Cette mauvaise tendance a été initiée avant l’invasion en Ukraine. Outre la forte hausse des prix de l’énergie, ce sont les pénuries de composants et la faiblesse de la demande asiatique qui ont bridé la puissance exportatrice de notre zone économique. Fort heureusement, l’excédent sur les services permettent de compenser cette forte dégradation, et d’enregistrer un équilibre dans la balance des comptes courants sur le premier trimestre. Néanmoins en avril, le solde a été négatif de 5 milliards d’euros, et il est grand temps que la Chine redémarre afin de relancer la chaine d’approvisionnement mondiale.
Combien de temps la hausse va-t-elle encore durer ? La réponse est assez simple : aussi longtemps que la Fed le voudra ! Il faut s’y résoudre, les transactions sur le marché des changes sont gigantesques (6 590 milliards de dollars par jour, selon la Banque des Règlement Internationaux dont 88 % concernent le billet vert), comparées au commerce mondial (28 500 milliards de dollars par an en 2021, selon les Nations Unies). Les vrais vecteurs proviennent donc des flux financiers. Ceuxci sont dictés par l’évolution des taux d’intérêt. La banque centrale américaine a accéléré son rythme de hausses des taux pour lutter plus efficacement contre l’inflation en juin (avec une hausse de 0,75 %) et devrait faire au moins de même en juillet et poursuivre son action en septembre. La perspective de taux directeurs à 3,5 % fin 2022 n’est plus tabou. Ce mouvement a des conséquences multiples : elle freine l’économie, tout en réduisant l’inflation importée par une hausse de la devise. Les autres banques centrales n’ont d’autre choix que de réagir, car la hausse du dollar provoque de l’inflation importée. Ainsi, le cours du brent a progressé de 35 % en dollar, mais de 47 % en euro . De ce fait, la Banque du Canada vient de relever ses taux directeurs de 1,5 %, à 2,50 %. La balle est désormais dans le camp de la BCE ce jeudi 21 juillet. Elle songeait initialement à relever son taux de dépôt de 0,25 %. Cette action ne suffira pas à freiner la chute de sa monnaie, sauf si la Fed, elle-même, indique dans son discours que ce mouvement pourrait s’arrêter avant la fin de l’année. Pour le moment, et surtout en temps de crise et de conflits géopolitiques, détenir du dollar rémunéré, est certainement l’actif financier le moins dévalorisant et permet de payer, si besoin, des matières premières, et ne subir que la flambée des cours, sans celle du billet vert.